Panorama des Hôpitaux Locaux et des postes de généralistes salariés

Avant d’entrer dans le détail des tâches, il faut comprendre le cadre. Les Hôpitaux Locaux représentent plus de 500 établissements en France (Source : Fédération Hospitalière de France, rapport 2023). On y compte environ 3 000 médecins salariés dont plus de 60 % sont des généralistes. Leur rôle est d’assurer des soins de proximité, principalement en gériatrie, soins de suite, et parfois en médecine polyvalente, souvent en lien direct avec les structures ambulatoires de leur bassin de vie.

Dans ces structures, le médecin salarié se distingue par un emploi du temps plus stable que celui du libéral. Mais la polyvalence est de mise : charge de travail variable, intégration dans des équipes multiprofessionnelles, et nombre de missions autres que la production de soins stricto sensu.

Organisation et pilotage des activités de soins

La première famille de tâches non médicales concerne la gestion du service ou du pôle d’activités dont dépend le médecin généraliste. Elle se décline en plusieurs volets :

  • Planification médicale et organisation des entrées/sorties : les généralistes assurent la gestion des admissions, valident les critères d’entrée, programment les sorties, coordonnent l’aval (SSR, domicile, EHPAD…). Le but : optimiser l’occupation de lits tout en garantissant la pertinence des parcours.
  • Élaboration de protocoles de soins : ils participent à l’écriture ou la mise à jour de procédures, protocoles et recommandations internes, souvent en lien avec d’autres spécialités, l’équipe soignante et la direction.
  • Réunions de service et comités : plusieurs heures mensuelles sont consacrées à la participation – voire à l’animation – de réunions d’organisation médicale, de coordination interne, et de synthèses pluridisciplinaires (ex. : comités d’admission, réunions de coordination avec infirmiers).

Cette dimension structure le fonctionnement quotidien, mais contribue aussi à la qualité et à la sécurité des soins selon les recommandations de la Haute Autorité de Santé (HAS, Guide pratique qui fait quoi en service de médecine, 2022).

Coordination des équipes et travail interprofessionnel

Le médecin salarié en Hôpital Local est rarement isolé, mais toujours au cœur de l’articulation entre professionnels :

  • Encadrement de l’équipe paramédicale : organisation de la répartition des rôles, participation à la gestion des effectifs, soutien dans les situations complexes (fin de vie, refus de soins, accompagnement des familles…).
  • Formation et transmission : accueil et encadrement des internes, stagiaires (infirmiers, aide-soignants) et jeunes médecins. Véritable tâche à part entière, il s’agit de former à la médecine de proximité et d’entretenir une dynamique d’équipe.
  • Interface avec les partenaires extérieurs : travail avec les pharmaciens, kinésithérapeutes, assistantes sociales, parfois en direct avec des acteurs des collectivités ou du secteur médico-social.

Ce rôle de coordination, devenu essentiel avec l’évolution des prises en charge en soins primaires, a été souligné par plusieurs rapports récents, dont celui de la Société Française de Médecine Générale (2021, lien).

Gestion administrative et tâches de suivi

Si l’informatisation a révolutionné une partie du travail administratif, nombre de médecins en Hôpital Local témoignent d’un temps encore important consacré à des tâches non directement médicales (en moyenne, 15 à 20% du temps de travail selon l’IRDES, 2022) :

  • Dossiers médicaux informatisés : alimentation, relecture, vérification de la conformité des données (traçabilité, codage PMSI…), gestion des informations réglementaires, archivage. Les exigences de qualité et de sécurité des soins imposent une rigueur dans la saisie et le suivi de la documentation.
  • Gestion de la facturation et des codages : sans être en charge du recouvrement, les médecins doivent veiller à la justesse des actes codés (CCAM, NGAP…), souvent sous supervisons des unités de facturation, leur vigilance engage directement le budget du service.
  • Demandes institutionnelles : rapports d’activité, bilans d’indicateurs, participation aux enquêtes internes ou nationales (statistiques, observatoires…), notamment dans la perspective des projets d’établissement.

La gestion administrative reste souvent perçue comme une charge additionnelle, générant des risques de tensions et de surcharge, particulièrement en période de sous-effectif.

Qualité, gestion des risques et certification

L’implication dans la démarche qualité est devenue centrale dans le quotidien du généraliste salarié :

  • Signalement des événements indésirables : déclaration de tout incident ou dysfonctionnement via les logiciels (ex : OSIRIS, e-SIN), analyse en équipe, échange avec le Comité de Lutte contre les Infections Nosocomiales (CLIN).
  • Participation à la certification HAS : contribution aux audits internes, préparation des visites de certification, actualisation des pratiques, lectures et échanges sur les évolutions réglementaires.
  • Mise en place de démarches d’amélioration continue : participation à des groupes de travail (ex : prévention des chutes, gestion de la douleur, bon usage des antibiotiques), formulation de retours terrain.

Selon l'enquête du CNG (Centre National de Gestion, 2021), 78 % des généralistes salariés en Hôpital Local déclarent consacrer chaque mois au moins 2 demi-journées à ces tâches de qualité, indépendamment du temps médical pur.

Communication et lien avec les familles et usagers

Le médecin généraliste salarié doit aussi jouer le rôle de « pivot relationnel » au sein du Hôpital Local :

  • Entretiens non cliniques avec les familles : annonces difficiles, médiation en cas de conflit, explication des parcours de soins, régulation en cas d’insatisfaction ou de plainte.
  • Participation aux réunions de liaison et d’information : représentations auprès des associations de familles, animation de groupes d’information et de médiation citoyenne.

Cette dimension reste insuffisamment reconnue dans la fiche de poste, mais s’avère fondamentale pour la satisfaction des usagers et l’image de l’établissement.

Implication dans le territoire et travail institutionnel

Enfin, le poste de généraliste en Hôpital Local implique, pour une part non négligeable de praticiens, un degré d’engagement dans le tissu territorial :

  • Participation à la gouvernance locale : implication dans les Conseils de Surveillance, commissions médicales d’établissement (CME), réunions avec les élus des collectivités (Maires, Communautés de Communes) autour des enjeux d’accès aux soins ou des parcours complexes.
  • Représentation externe : présence aux instances territoriales (CPTS, DAC, réseaux gérontologiques…), relais des besoins locaux auprès de l’ARS ou des institutions.
  • Montage de projets de santé locaux : implication dans les réponses aux appels à projets, déploiement d’actions de prévention, partenariats avec les structures ambulatoires (maisons de santé, officines, associations).

Ce versant « politique au petit p » du métier se développe d’autant plus que les établissements sont moteurs de prise d’initiatives sur leurs territoires. Une étude de l’ANAP (Agence Nationale d’Appui à la Performance, 2023) montre que dans 65 % des Hôpitaux Locaux, des médecins généralistes salariés sont référents actifs de l’un ou l’autre dispositif local.

Des tâches aussi déterminantes que les actes médicaux

Loin d’être accessoires, ces missions non médicales sont indissociables de l’exercice en Hôpital Local. Elles conditionnent la qualité de la prise en charge, l’attractivité professionnelle du secteur et la capacité d’innovation au bénéfice des territoires. Pourtant, elles sont rarement formalisées dans les fiches de poste et rarement valorisées dans la réflexion sur l’évolution du métier.

L’enjeu pour les prochaines années : reconnaître, organiser et valoriser ces tâches au sein des Hôpitaux Locaux pour permettre aux médecins généralistes salariés d’exercer dans des conditions optimales, avec la pleine mesure de leur impact, à la croisée de la médecine clinique, de la coordination, de la gestion, et de l’engagement territorial.

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