Définir l’Hôpital Local et la situation du médecin généraliste

L’Hôpital Local — dénomination introduite par la loi du 21 juillet 2009 “Hôpital, Patients, Santé et Territoires” — désigne le plus souvent un établissement public de santé de petite taille, fortement ancré territorialement, souvent né de la transformation d’anciens hôpitaux ruraux. Il se distingue par une triple mission : soins aigus (court séjour), hébergement médico-social (EHPAD) et soins de suite, parfois associés à la médecine de ville via des consultations avancées.

Dans ce contexte, les médecins généralistes peuvent être salariés (praticiens hospitaliers contractuels, PH à temps partiel, assistants, etc.), libéraux sous convention ou vacataires, voire assurer des astreintes ou des gardes. Ce statut influe évidemment sur le cadre légal applicable, même si plusieurs socles d’obligations sont communs à l’ensemble de la profession.

Obligations générales : déontologie et responsabilité

Le socle du Code de déontologie médicale

  • Inscription à l’Ordre : Tout médecin exerçant, y compris à l’hôpital local, doit être inscrit à l’Ordre national des médecins (Article R4111-1 du Code de la santé publique). Cette inscription garantit l’adhésion aux règles déontologiques ainsi qu’une assurance responsabilité civile professionnelle.
  • Indépendance professionnelle : Le médecin garde une indépendance professionnelle, même au sein d’un établissement doté d’une direction, conformément à l’Article R4127-5 du Code de la santé publique.
  • Secret médical absolu : La confidentialité des soins vaut aussi envers les autres personnels de l’hôpital, sauf coordination avérée, et demeure une obligation pénale (Articles 226-13 et 226-14 du Code pénal).
  • Refus de soins : Les obligations en matière de refus de soins non justifié et de non-discrimination s’appliquent pleinement en Hôpital Local (Article R4127-7).

Responsabilité civile, pénale et disciplinaire

  • Responsabilité civile professionnelle : Chaque médecin doit disposer d’une assurance couvrant les conséquences d’une faute commise dans l’exercice de ses fonctions (article L1142-2 CSP), qu’il soit salarié ou libéral, un point particulièrement sensible lors des remplacements ou interventions ponctuelles.
  • Responsabilité pénale : Tout manquement aux obligations légales exposant le patient à une perte de chance ou à un dommage (retard de diagnostic, absence de surveillance médicale, etc.) peut engager la responsabilité pénale du médecin.

Organisation de l’activité médicale à l’Hôpital Local

Permanence des soins et astreintes

L’organisation de la permanence des soins, cruciale pour la sécurité des patients, s’appuie sur l’arrêté du 22 octobre 2003. Selon la taille de l’établissement, le médecin est souvent sollicité pour :

  • Assurer des astreintes physiques ou téléphoniques la nuit, le week-end, les jours fériés
  • Participer à la permanence des soins ambulatoires du territoire (gardes SAMU/SMUR, régulation médicale…)
  • Se conformer aux protocoles de prise en charge validés par la Commission Médicale d’Etablissement (CME)

Le non-respect de l’organisation de ces astreintes, ou le refus injustifié d’y participer, expose à des sanctions disciplinaires ou contractuelles. Le recours à l’intérim médical, massif dans 55% des Hôpitaux Locaux selon la FHF (Fédération Hospitalière de France, 2023), ne dispense en rien de ces obligations.

Dossiers médicaux, traçabilité et informatisation

  • La tenue du dossier patient informatisé est obligatoire depuis la loi du 4 mars 2002 (dite loi Kouchner). Le dossier doit permettre la continuité des soins et la traçabilité (horodatage, identification des intervenants, prescriptions, compte-rendus…). L’accès y est aujourd’hui largement dématérialisé via le Dossier Patient Informatisé (DPI).
  • L'absence ou le défaut de traçabilité d'une prescription, d'un examen ou d'un acte médical constitue un manquement susceptible d'engager la responsabilité professionnelle et de compromettre la prise en charge (HAS, recommandations 2022).
  • Les règles RGPD (Règlement Général sur la Protection des Données) s’appliquent à l’ensemble des documents médicaux informatisés ou numérisés (durée de conservation minimale de 20 ans, modalités d’archivage sécurisé, droit d’accès du patient — Source : CNIL).

Obligations administratives et institutionnelles spécifiques

Participation à la gouvernance et à la qualité

  • Le médecin généraliste impliqué dans un service ou dans la commission médicale d’établissement (CME) a une obligation de participer à la vie institutionnelle : réunions qualité, analyse des évènements indésirables, élaboration des protocoles.
  • Une implication est aussi attendue dans le Programme d’Amélioration de la Qualité et de la Sécurité des Soins (PAQSS), obligatoire dans tous les établissements.
  • Le médecin peut être sollicité dans la gestion des Vigilances sanitaires (pharmacovigilance, infection associée aux soins, matériovigilance), inscrites dans le code de la santé publique (articles L1413-12 et suivants).

Déclarations obligatoires et signalements

  • Tout évènement indésirable grave (EIGS), toute infection associée aux soins ou tout acte de maltraitance suspecté doivent faire l’objet d’un signalement via les circuits officiels internes et auprès de l’ARS (Agence Régionale de Santé), conformément au décret du 25 novembre 2016.
  • Les obligations relatives à la certification des certificats de décès, à l’édition des bulletins de santé publique (grippe, COVID-19, etc.) incombent aussi aux médecins généralistes intervenant dans l’établissement.

Relation avec l’équipe et la coordination territoriale

Travail en équipe pluriprofessionnelle

La loi HPST (2009) a renforcé l’obligation de coordination médico-soignante, essentielle notamment en contexte de poly-pathologies et de prise en charge âgée. Le médecin généraliste doit :

  • Assurer la coordination entre les professionnels de santé internes (infirmiers, kinésithérapeutes, pharmacien, psychologue…) et externes (médecins traitants libéraux, spécialistes correspondants).
  • Respecter les règles de transmission médicalement pertinentes pour la sécurité du patient (par exemple lors des sorties d’hospitalisation, du passage en soins de suite, etc.).
  • Maintenir un lien avec la médecine de ville via le dossier médical partagé (DMP), le parcours PAERPA, les dispositifs d’appui à la coordination (DAC), ou encore la participation aux Communautés Professionnelles Territoriales de Santé (CPTS).

Relation avec les familles et représentants légaux

  • L’information des proches et la prise en compte de la personne de confiance s’imposent pour toute décision complexe (loi du 4 mars 2002), notamment pour les patients hospitalisés en longue durée.
  • Le consentement libre et éclairé du patient - ou de son représentant légal — doit toujours être obtenu, documenté, et adapté aux situations : soins programmés, limitations/arrêts de traitements, entrée en EHPAD, etc.

Obligations de formation et d’actualisation des connaissances

  • La formation continue est obligatoire depuis la loi HPST : tout médecin doit justifier d’un parcours de Développement Professionnel Continu (DPC), soit au moins 3 actions sur 3 ans (arrêté du 6 janvier 2021).
  • Dans les hôpitaux locaux, une attention particulière porte sur l’actualisation des compétences en gériatrie, gestion des pathologies chroniques, urgences vitales, et connaissance des dispositifs territoriaux (notamment le plan national “Ma Santé 2022”).

Focus sur des obligations spécifiques et points sensibles

  • Certification HAS des établissements : Bien que l’évaluation soit centrée sur l’établissement, la qualité de la pratique médicale individuelle (dossier, recueil du consentement, signalement événement indésirable…) impacte la réussite de la démarche.
  • Prise en charge de la fin de vie : Respect de la loi Claeys-Leonetti (2016) sur la fin de vie, notamment la rédaction de directives anticipées, la collégialité des décisions, la traçabilité.
  • Information médicale et communication : Devoir de clarté et de loyauté, vigilance sur les réseaux sociaux, conformité avec la charte de communication de l’établissement.
  • Gestion du risque COVID-19 : Obligation de déclaration, traçabilité du statut vaccinal, application des mesures d’isolement et d’information au public selon l’évolution des consignes sanitaires (Ministère de la Santé).

Panorama des sanctions et contrôles

  • Contrôle par l’Ordre : Tout manquement grave peut donner lieu à des plaintes/alertes auprès du Conseil de l’Ordre départemental, avec risques de blâme, suspension, voire radiation.
  • Sanctions administratives : En cas de non-respect d’une obligation de service public (astreinte, refus de prise en charge, défaut de dossier…), l’ARS peut enclencher des procédures disciplinaires voire exiger le remboursement d’indus (notamment pour l’activité rémunérée à l’acte).
  • Sanctions pénales : Les sanctions sont rares mais possibles, notamment en cas de violation du secret médical, de maltraitance avérée, ou de graves négligences.

Pour aller plus loin : repères pratiques et documents ressources

  • Code de la Santé Publique :
  • Charte de la coordination ville-hôpital : Exemples et modèles-types accessibles via les Agences Régionales de Santé.
  • Outils HAS :
    • Guides sur la tenue du dossier patient, recommandations qualité et sécurité des soins, procédure de signalement des événements indésirables (accessibles sur le site has-sante.fr).
  • Fédération Hospitalière de France : Baromètres statistiques sur la démographie médicale en hôpital local, guide de bonnes pratiques (fhf.fr).

Pour une pratique sûre, durable et collective

L’Hôpital Local reste un maillon clé dans l’accès aux soins, mais sa force dépend de la clarté du cadre légal, de l’organisation collective et du respect scrupuleux des obligations propres à l’exercice médical. La transparence des obligations, la traçabilité des actes et la projection collective — loin d’être des contraintes— constituent le socle de la confiance à long terme envers l’institution. Alors que les enjeux de la coordination territoriale ne cessent de s’accroître, la connaissance fine de ces obligations n’est plus une formalité… C’est précisément ce qui permet de garantir la continuité, la sécurité et la qualité du soin au service des territoires.

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