Pourquoi la coordination entre ces acteurs est-elle cruciale ?

Les résidents des EHPAD sont souvent confrontés à des pathologies chroniques multiples, à la dépendance physique ou cognitive, et à des besoins de soins complexes. Selon les données de la DREES, en 2021, 86 % des résidents étaient affectés par au moins une maladie chronique, et 47 % souffraient de troubles cognitifs sévères. Dans ce contexte, une collaboration étroite entre les médecins hospitaliers (souvent mobilisés lors d'hospitalisations ou pour des consultations spécialisées) et les médecins généralistes intervenant en EHPAD est essentielle.

Les enjeux sont multiples :

  • Éviter les hospitalisations évitables : La Fédération hospitalière de France (FHF) a estimé que 50 % des hospitalisations depuis les EHPAD pourraient être évitées grâce à une meilleure anticipation et coordination des soins dans ces structures.
  • Améliorer la qualité de vie des résidents : Des soins dispensés au bon moment et dans le bon cadre permettent de réduire l’aggravation des pathologies tout en évitant la désorientation liée à des hospitalisations fréquentes.
  • Réduire la charge sur le système hospitalier : Les lits hospitaliers sont précieux et leur occupation prolongée, notamment pour des motifs évitables, peut générer un engorgement des services.

Pourtant, certains obstacles entravent cette coordination, nécessitant des solutions concrètes.

Quels sont les principaux défis à surmonter ?

Si l'importance de cette collaboration est reconnue, sa mise en pratique reste complexe en raison de multiples facteurs :

1. Une communication fragmentée

Il est courant que les médecins généralistes et hospitaliers travaillent en silos, partageant peu ou pas d'informations. Les résidents arrivant à l’hôpital sont souvent accompagnés de dossiers incomplets ou mal structurés. Ce déficit d'informations peut retarder ou altérer la prise en charge médicale. De plus, les retours d’hospitalisation vers l’EHPAD manquent aussi d’uniformité.

2. Un manque de ressources humaines

Les médecins généralistes sont souvent surchargés de travail et disposent de peu de temps pour échanger avec les autres professionnels, notamment sur des cas complexes. Les hôpitaux, de leur côté, doivent gérer des flux importants de patients, ce qui laisse peu de place pour développer des collaborations approfondies.

3. Une absence d’outils numériques adaptés

Les outils numériques existants ne permettent pas toujours une transmission fluide des informations. Les dossiers médicaux partagés (DMP), bien qu’en cours de développement, ne sont pas encore systématiquement utilisés par tous les professionnels, et leur application reste incomplète dans la pratique quotidienne.

4. Des incohérences organisationnelles

Enfin, les différences d’organisation entre établissements exacerbent les difficultés. Chaque structure, qu’il s’agisse des EHPAD ou des services hospitaliers, fonctionne avec ses propres protocoles et rythmes, ce qui limite l’harmonisation du travail entre les équipes.

Quelles solutions concrètes pour améliorer cette coordination ?

1. Instaurer des protocoles d’échange standardisés

Pour fluidifier les interactions, des protocoles clairs et standardisés doivent être mis en place : par exemple, utiliser des fiches résumées pour accompagner chaque résident se rendant à l'hôpital et détaillant les antécédents médicaux, les traitements en cours et les besoins spécifiques. Ces fiches seraient également un outil pratique pour les retours d’hospitalisation. Ces protocoles sont déjà efficaces dans certains départements pilotes, comme en Ille-et-Vilaine, où ils ont permis de réduire de 30 % les erreurs de traitement post-hospitalisation.

2. Favoriser les formations interprofessionnelles

Permettre aux médecins généralistes, hospitaliers, et au personnel des EHPAD de se former ensemble peut renforcer la compréhension mutuelle et les pratiques collaboratives. Des initiatives locales, comme celles entreprises par l'Agence Régionale de Santé (ARS) dans certaines régions de France, montrent que ces formations favorisent des liens de confiance, comme en Nouvelle-Aquitaine, où une telle formation a entraîné une augmentation de 25 % des échanges entre professionnels.

3. Développer des outils numériques performants

Le développement et l'intégration de plateformes numériques dédiées sont cruciaux. Elles permettront la mise à jour en temps réel des informations médicales des patients. Dans cette optique, le déploiement d'outils comme Terr-eSanté en Île-de-France a démontré son efficacité, facilitant la coordination entre établissements de santé et médico-sociaux.

4. Renforcer la présence des médecins coordonnateurs en EHPAD

Les médecins coordonnateurs, pivots entre les EHPAD et les médecins traitants ou hospitaliers, jouent un rôle clé. Leur présence doit être renforcée pour assurer une continuité des soins. Actuellement, leur manque de disponibilité est souvent critiqué, avec des ratios médecin/résidents encore trop bas (en moyenne 0,1 équivalent temps plein pour 100 lits en France).

5. Encourager des projets pilotes locaux

Enfin, la mise en place de projets pilotes locaux, comme les équipes mobiles gériatriques (EMG), peut constituer une solution efficace. Ces équipes, qui se déplacent entre les EHPAD et les hôpitaux, permettent de faciliter les échanges, d'intervenir en cas d'urgence, et de prévenir certaines hospitalisations.

Vers une meilleure prise en charge des résidents des EHPAD

La coordination entre les médecins généralistes hospitaliers et les EHPAD est essentielle pour répondre aux défis du vieillissement de la population. Si les obstacles sont nombreux, les solutions existent et passent par une collaboration renforcée, des outils adaptés, et des initiatives locales bien organisées. In fine, cette amélioration vise un objectif commun : offrir aux résidents des EHPAD des soins de qualité, qui respectent leur parcours et leur dignité.

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