RGPD : de quoi parle-t-on concrètement, et pourquoi les soignants sont concernés ?

Le RGPD s’applique à tout traitement de données à caractère personnel. Les données de santé, par leur nature particulièrement sensible, bénéficient d’un niveau de protection renforcé. Dans une maison de santé rurale, au sein d’un service d’hôpital local ou en cabinet isolé, le médecin généraliste, l’IDE, la secrétaire, manipulons des informations médicales, des éléments sociaux, des parcours de vie. Le risque : être trop permissif, et exposer ses patients – et soi-même – à des intrusions ou des utilisations inappropriées.

  • Données à caractère personnel : toute information permettant d’identifier une personne (nom, numéro sécu, antécédents médicaux, données biologiques, etc.).
  • Données de santé : tout ce qui révèle un état physique ou mental passé, présent ou futur, les informations issues des actes de prévention, diagnostic, soins et suivis sociaux.
  • Responsable de traitement : le professionnel de santé ou la structure qui décide des finalités et moyens du traitement des données (médecin, maison de santé, centre hospitalier, etc.).

D’après la CNIL, près de 15 % des plaintes déposées en 2022 concernaient le secteur de la santé (Source CNIL). Malgré des moyens hétérogènes, nul n’échappe à cette règle : protéger la confidentialité et la sécurité des informations confiées par les patients.

Le socle juridique et les obligations pratiques du RGPD pour la santé

Le RGPD (règlement européen n°2016/679) s’applique en France à travers le Code de la Santé Publique, en particulier l’article L1110-4 sur le secret médical. Les principaux points à respecter :

  • Informer le patient sur l’utilisation de ses données.
  • Assurer une sécurité adaptée à la criticité des données : systèmes informatiques, accès restreint, identification forte…
  • Limiter la collecte aux seules données nécessaires.
  • Garantir la traçabilité des accès et modifications.
  • Permettre l’accès et la rectification sur demande des patients (droit d’accès et de rectification).
  • Nommer un DPO (délégué à la protection des données) dans les grandes structures ou si le traitement est de grande ampleur.
  • Déclarer les violations de données à la CNIL et aux personnes concernées dans les meilleurs délais.

Cartographie des risques : où se situent les principales failles au quotidien ?

Au fil des expériences, quelques situations à haut risque émergent : transmission par e-mail non sécurisé, clés USB non chiffrées, mots de passe partagés dans l’équipe, confidentialité non respectée à l’accueil, logiciel métier mal verrouillé. Parfois par méconnaissance, plus rarement par désinvolture.

Situation à risque Impact potentiel Mesure préventive
Envoi de comptes rendus par email non sécurisé Fuite de données, violation du secret médical Utiliser une messagerie sécurisée de santé (MSSanté, Apicrypt, etc.)
Ordinateur non verrouillé dans le cabinet Accès non autorisé au dossier patient Verrouillage automatique, mot de passe fort et individuel
Accès partagé au logiciel par plusieurs soignants Traçabilité impossible, risque d’effacement ou de modification frauduleuse Compte unique nominatif pour chaque professionnel
Conservation de données sur support papier ou disque dur externe non protégé Vol, perte, divulgation accidentelle Rangement sécurisé, destruction conforme, chiffrement des supports numériques
Communication inappropriée à l’accueil ou au téléphone Divulgation d’informations sensibles à des tiers Formation de l’équipe, procédures écrites sur la divulgation

Prendre en main la conformité : quels outils et bonnes pratiques pour le terrain ?

Pour passer du principe à la pratique, l’expérience des équipes de proximité montre quelques lignes directrices indispensables :

1. Sensibiliser et former régulièrement

  • Rappeler les notions de base à chaque prise de poste.
  • Expliquer les rôles et responsabilités à chaque membre de l’équipe, médicale comme administrative.
  • Simuler des “incidents type” en staff pour anticiper une violation de données : réaction, documentation, information.

2. Sécuriser l’accès aux données

  • Utiliser des solutions certifiées HDS (Hébergement de Données de Santé) pour les logiciels métiers (ANS).
  • Avoir des mots de passe individuels et non partagés, renouvelés régulièrement.
  • Verrouiller automatiquement l’accès aux postes de travail après quelques minutes d’inactivité.
  • Limiter l’export ou l’impression de données aux stricts besoins des soins.

3. Tracer et documenter les accès

  • Tenir un registre des traitements de données (modèle disponible sur le site de la CNIL).
  • S’assurer que chaque action sur le dossier (lecture, modification) est tracée nominativement.
  • Analyser les journaux d’accès en cas de suspicion de fuite ou d’incident.

4. Informer et respecter les droits des patients

  • Afficer une note d’information RGPD dans la salle d’attente et sur le site internet.
  • Faciliter la procédure de demande d’accès ou de rectification (formulaire simple, interlocuteur identifié).
  • Conserver un historique de ces demandes et des réponses apportées.

5. Gérer les situations exceptionnelles

  • Identifier les cas où la transmission de données est impérative (urgence vitale, coordination ville-hôpital, signalement, etc.), et expliciter ces situations dans le protocole local.
  • Documenter chaque transmission extra-ordinaire par une note dans le dossier.

Au-delà des outils : RGPD et confiance, un enjeu culturel

Dans la relation de soins, la confidentialité est la clef de voûte ; elle peut être fragilisée par la précipitation, la routine, ou le sentiment d’impuissance face à la complexité technologique.

  • En 2022, l’Assurance Maladie recensait encore 984 violations de données médicales signalées par les établissements de santé en France (Source Ameli).
  • 48 % des professionnels de santé interrogés par le Conseil National de l’Ordre des Médecins se disent mal outillés pour garantir la sécurité informatique de leur structure.

Transformer l’obligation RGPD en opportunité de dialogue avec les patients, c’est aussi renforcer la confiance dans le système local : expliquer pourquoi certaines démarches sont nécessaires, rappeler la protection des données lors de l’anamnèse, impliquer (modestement) le patient dans la sécurisation de ses propres informations (messagerie sécurisée, accès “Mon espace santé”, etc.).

Cas pratiques et ressources utiles pour tous les types de structures

Type de structure Situation fréquente Astuce outils ou organisation
Cabinet isolé Archivage des dossiers papier Destruction sécurisée via un prestataire certifié ; externalisation vers un espace HDS numérique
Maison de santé Partage d'information entre plusieurs professions Plateforme commune de gestion avec droits personnalisés par profession
Hôpital local Transmission urgente vers un service d’appui hors territoire Protocole interne précisant les modes et la traçabilité de transmission (MSSanté, ligne sécurisée)
SSIAD/ESMS Saisie à domicile par intervenants mobiles Application mobile chiffrée avec authentification forte, synchronisation automatisée

Quelques ressources essentielles pour aller plus loin :

Un équilibre à (re)construire collectivement : le RGPD, entre contraintes et usages vertueux

Face à la rationalisation croissante et la standardisation des systèmes d’information, la tentation serait grande de cantonner le RGPD à une stricte obligation administrative. Pourtant, sur le terrain, la question de la gestion des données patients ouvre la voie à de nouveaux équilibres : co-construire des pratiques, s’inspirer des retours d’expérience entre structures, s’appuyer sur la “vigilance collective” plutôt que sur le contrôle individuel.

Le respect du RGPD, loin d’être accessoire, est un marqueur de la qualité du lien thérapeutique. S’il impose des procédures, il reste adaptable par la concertation d’équipe et la formation continue. C’est en construisant ensemble une culture de la sécurité des données, en adaptant méthodiquement nos outils et nos gestes au quotidien, que la médecine de proximité réunifie finalement confiance et performance, au service de chaque patient.

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